Folies Lyriques
LA VIE PARISIENNE : SATIRE, TOURBILLON ET PUR PLAISIR OFFENBACHIEN
Une comédie pétillante au rythme effréné
Il n’est sans doute pas d’œuvre dans tout le répertoire lyrique qui symbolise autant la fête, les plaisirs et l’étourdissement de vivre que La Vie Parisienne. Sous le fracas des cuivres et l’emballement des cancans, on devine l’allègre pétillement des bulles de champagne et le délicieux froissement des dentelles Second Empire. Offenbach nous plonge dans un Paris enivrant, où les illusions mondaines et les quiproquos se mêlent dans une joyeuse effervescence.
Cancans, quiproquos et éclats de rire
Créée pour célébrer le Paris flamboyant du baron Haussmann, cette œuvre ne manque ni de jambes ni de panache ! Demi-mondaines, danseuses, élégantes et dandies s’y croisent dans un tourbillon effréné. Le très célèbre Brésilien, débarquant à Paris avec ses coffres remplis d’or, voit ses certitudes voler en éclats au gré d’un quadrille endiablé. L’amour, l’argent et le paraître s’entrelacent dans une comédie où chacun rêve de s’élever… ou de plumer son prochain.
Une avalanche de tubes lyriques
Si La Vie Parisienne n’est peut-être pas la partition la plus raffinée d’Offenbach, elle est sans doute l’une des plus jubilatoires ! Un enchaînement irrésistible de mélodies que tout le monde fredonne, des cancans effrénés aux airs inoubliables du Brésilien et de la Veuve du colonel. Un train d’enfer musical, où chaque note pétille comme du champagne.
Cette production, créée à Nancy et reprise au Château d’O, déploie toute la magie de l’opérette dans un décor envoûtant, sertissant l’action dans un écrin de dentelles noires – clin d’œil aux arabesques de la Tour Eiffel, à la lingerie raffinée ou aux ombres du Paris nocturne ? Touristes à plumer, généraux à plumets et élégantes s’y donnent la réplique dans un ballet aussi virevoltant qu’inoubliable.
Tant il est vrai que le plaisir est de tous les temps. Si l’un des personnages le dit sans détour : « On va s’en fourrer jusque-là ! », on pourrait aujourd’hui traduire : « À consommer sans modération ! »

@Marc Ginot
Entretien avec Carlos Wagner, metteur en scène
Egotisme et hédonisme
La Vie Parisienne : un titre qui renvoie dès la création de l’œuvre à une « photographie » de la vie d’une ville à une époque bien précise, avec des situations et des personnages fortement caractérisés en fonction d’un contexte historique et culturel qui allaient susciter dans le public des réactions liées à une actualité plus ou moins vécue et familière.
J’ai donné à mon interprétation de La Vie Parisienne le sous-titre de « L’Egotisme de l’Hédonisme ». Ce thème est intemporel et j’espère que notre vision réussira à faire passer cette dimension intemporelle. Nous sommes allés assez loin dans le travail effectué sur le dialogue parlé pour conserver l’intrigue, le sens de l’humour et la vision d’Offenbach sur la société, mais nous avons allégé voire supprimé certaines références trop proches de l’actualité de l’époque. Je ne pense pas que ce soit une infidélité que nous faisons à l’œuvre. J’ai voulu plutôt mettre l’accent sur le commentaire social peu montré dans l’œuvre, plus que le contexte historique. Je pense qu’il y a une belle histoire à montrer entre Metella et le Baron, qui constitue un parfait contrepoint à l’arrogance et l’égoïsme cruel de tous les autres personnages qui caractérisent l’œuvre.
Comment un metteur en scène peut-il aujourd’hui conserver cette relation avec un public concerné par d’autres préoccupations et entouré d’autres personnages plus ou moins caricaturaux ? Je pense que la dimension caricaturale des personnages peut très bien être transposée dans le contexte du XXème siècle. Je me suis basé sur des duos comiques que l’on peut voir à la télévision pour construire la relation entre Gardefeu et Bobinet, ainsi que de l’aspect visuel des comédies musicales avec Gene Kelly et Bob Fosse. Il est intéressant de constater que les clichés sur Paris marchent très bien dans les deux genres et collent parfaitement avec l’image que nous voulons donner. D’une certaine manière, nous avons là le Paris tel qu’il est vu ou rêvé dans l’esprit des étrangers. Quelle résonance peut avoir dans le public d’aujourd’hui le regard critique, ironique, qu’a l’habitude de cultiver Offenbach et que l’on retrouve aussi ici ? Je pense que le plaisir d’appartenir socialement à la crème de la crème, le désir d’être invité dans les soirées les plus « branchées », l’envie de séduire des personnes du sexe opposé, l’égoïsme et l’hypocrisie dont les gens font preuve lorsqu’ils sont en quête de plaisir, sont tous des sujets encore d’actualité aujourd’hui, même si les structures sociales de la société ont changé. Si on est un minimum flexible et créatif avec ce matériau, c’est une œuvre qui surprend tant elle reste poignante, tant son ironie et son mordant s’accordent avec la sensibilité contemporaine. Quelles ont été les grandes lignes de réflexion qui ont présidé à votre travail avec vos collaborateurs ? Une chose était certaine pour nous depuis le début, c’est que nous ne voulions pas une transposition de la pièce à notre époque. En fait, je voulais réussir à trouver un contexte me permettant de me concentrer sur les relations psychologiques entre les personnages, sans trop me soucier du contexte historique. La réponse ainsi que la clé du problème était l’abstraction. Tour Eiffel et lingerie sexy ont été transposées en éléments visuels qui constituent le cadre à l’intérieur duquel nous avons voulu créer un spectacle de vaudeville qui, grâce à ses artifices, nous donne la possibilité de nous libérer de certaines références et nous permette de retrouver un Paris tel que le voit l’imaginaire de nos personnages. Cette production offre une fois de plus un spectacle dans lequel les décors et les costumes ont une part très importante, est-ce là une manière pour vous de renouer avec la dimension « populaire » du genre ? Je n’ai vu que deux productions de La Vie Parisienne. Une qui essayait de transposer l’œuvre dans le contexte actuel et l’autre qui partait de l’époque d’Offenbach. Comme je viens de l’expliquer, je voulais faire quelque chose de tout à fait différent. Pour moi, Paris est synonyme de mode, de chic, d’érotisme, c’est là que l’on perçoit la nature éphémère des plaisirs de la vie nocturne. Paris c’est le tourisme et cette obsession de devoir toujours être dans le style, toujours « branché ». Nous avons essayé de trouver un langage qui évoque ces connotations dans l’esprit du public sans forcément y introduire des références immédiatement reconnaissables. (Propos de Carlos Wagner recueillis et traduits de l’anglais par Carmelo Agnello)

@Marc Ginot